De la couleur à la brique
Tout commence par la découverte de la polychromie lors des fouilles de Pompéi et d’Herculanum.
Le XVIIIe siècle enchante les murs des salons des décors à fenêtres et motifs issus de ces découvertes.
L’époque goûta le stuc de telle manière que chaque architecte avait le sien. Murs et façades profitent de motifs et de teintes d’une délicatesse raffinée.
Une deuxième découverte allait faire passer la couleur sur les murs et les façades. Le rapport de Jacques Hittorf, l’illustre architecte, révèle, suite à son voyage en Sicile de 1823, que les trois temples voisins de l’acropole de Sélinonte étaient à l’origine peints de couleurs vives. Un coup de tonnerre !
Depuis Louis XIV, en effet, il était convenu que le blanc correspondait à l’usage aristocratique et la couleur au vulgaire... Vaux le Vicomte est l’illustration parfaite de cette théorie, le château de pierre et les écuries de brique.
En façade
On se rappelle que le grand architecte de la Renaissance, Sebastiano Serlio écrivait dans ses règles générales d’architecture sur les cinq manières d’édifier, publiées en 1545 : « Les pierres cuites sont la chair du bâtiment et les pierres vives sont les os qui les soutiennent. » L’usage allait prouver que les briques résistent parfois mieux à l’écrasement que les pierres.
L’Est de la France voit l’industrialisation de la brique quand Charles Dolfus de Mulhouse propose une machine qui, conduite par un seul ouvrier, produit quotidiennement près de trente mille pièces.
La reconnaissance de la brique est consommée par l’Exposition Universelle de 1889. Dans la Construction moderne du 8 juin 1889, M. Brincourt écrit : « Le fer, la terre cuite et la céramique sont les éléments d’un genre de construction neuf, original et susceptible de se prêter à toutes les interprétations possibles de ce grand art que doit revêtir tous les caractères, le sévère et le gai, le riche et le simple. »
La brique comme ornement devient le chef d’orchestre
Le goût pour le Louis XIII, si bien chanté par Gérard de Nerval dans ses évocations rêveuses où l’on voit des châteaux de brique et pierre entourés de pelouses où dansent des jeunes filles, a d’abord enchanté les hôtels du quartier parisien du Parc Monceau de ces couleurs qui autorisent damiers et losanges. Le règne de Napoléon III aime se rappeler le temps des Valois.
La mécanisation permet de développer l’usage de la brique en larges panneaux qui permettent à l’imagination des architectes de jouer des matériaux, des couleurs et des plans.
Les couleurs variées de la brique ouvrent le champ des matériaux, tout particulièrement ceux dont les teintes et les textures proposent des contrepoints et assurent ainsi une lecture du propos sur laquelle peut jouer la lumière. Nous entrons en effet dans une époque qui associe la rationalité à la symbolique. La façade est bien une page de livre où se reconnaît la société.
La maison Dumas
La maison Dumas, 32, rue Eugène-Flachat à Paris XVIIe, est l'œuvre du grand Paul Sédille datée de 1892. La composition de la façade est une excellente illustration de la relation subtile qui existe entre la brique et les éléments décoratifs qui rythment l’ensemble dans un style symphonique d’une heureuse discrétion.
Au premier étage, la fenêtre du grand salon est dessinée et peinte comme un tableau. Le balcon en avancée à la mosaïque de l’archivolte se fond dans le vert sombre et intense des briques vernissées, la pierre sert de relais encadrant et divisant l’ouverture. A noter que les montants de pierre sont assemblés comme des briques taillées dans des dimensions légèrement plus grandes…
Entre les fenêtres des chambres du deuxième étage, une belle académie assise signale l’atelier du troisième. Cette sorte d’enseigne peut être de pierre. Mais l’architecte ne privilégie pierre, plâtre, ciment naturel qu’en fonction des modelés et teintes. La porte est ouverte, la palette s’est enrichie, le terme « industrie » prenant tout son sens en interprétant l’art de bâtir.
Pascal Payen Appenzeller
Expert stratigraphe du Patrimoine